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L’ENJEU LAIQUE

Fruit d'un travail commun avec la Loge des Mille Sources à Ussel

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Sommaire :

Il y a un peu plus de cent ans, la République Française proclamait après de longs débats passionnés la séparation des Eglises et de l’Etat, donnant ainsi à notre pays une position unique dans le paysage politique international.

Le Grand Orient de France a souhaité faire de cette journée du 9 décembre une « journée de la laïcité », soulignant ainsi combien ce principe constitutionnel est en danger. En effet, décider d’une « journée de quelque chose » montre la volonté d’attirer l’attention des citoyens sur un problème particulier ou sur un danger potentiel.

Alors, posons-nous la question : où est le danger pour la laïcité aujourd’hui ? En fait, il est double.

Le premier est dû à la méconnaissance de ce principe fondamental de notre République, méconnaissance que l’on peut constater même au sein des défenseurs de la laïcité. Elle entraîne des erreurs de conception, des idées reçues, voire, des idées fausses et, de ce fait, une fragilisation de l’action laïque.

C’est sur ce terrain que se développe le second danger, sous la forme de différentes démarches qui visent à détruire cet idéal universel. Les discours récents de notre Président à Latran et à Riad ont provoqué à juste titre l’émoi (et même l’effroi) chez les citoyens attachés à la laïcité.

 

 

Qu’est-ce que la laïcité ?

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Pour mieux comprendre ce qu’est exactement la laïcité, un petit rappel historique s’impose.

En décembre 1905, le législateur offrait enfin à la France un système politique en adéquation avec la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789. En effet, son article 1 proclame « les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droit ». De fait, il ne peut être fait de hiérarchie entre les citoyens. En clair, quelque soit l’origine sociale, l’origine ethnique, le sexe ou l’opinion religieuse, l’Etat de droit se doit d’assurer un traitement égal de tous les citoyens. La longue situation d’alliance entre l’Eglise catholique, apostolique et romaine  et l’Etat français ne pouvait donc pas durer, puisque celui-ci établissait un privilège, une hiérarchie entre les citoyens en reconnaissant officiellement la religion catholique et en lui octroyant des moyens.

Le principe de laïcité a donc mis fin à cette inégalité de traitement, en renvoyant à la sphère privée les options spirituelles quelles qu’elles soient (religion, agnosticisme, athéisme) et en fondant désormais la sphère publique non plus sur ce qui nous sépare, mais sur ce qui nous rassemble, sur « ce dénominateur commun à tous » : la raison.

De fait, la laïcité ne peut donc pas être antireligieuse. Libre à chacun de croire, ou de douter, ou de ne pas croire en l’existence de Dieu. L’Etat laïque, tel qu’il est proposé en France à partir de 1905, ne favorise donc ni l’athéisme, ni l’agnosticisme, ni la croyance religieuse. Il laisse à chacun la liberté absolue de conscience qu’il peut cultiver dans la sphère privée.

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Les partisans de la laïcité doivent donc être respectueux du choix individuel des citoyens. Malheureusement, l’image du laïc « bouffeur de curé » a la vie dure, pour la raison essentielle qu’on confond souvent antireligion et anticléricalisme.

         N’oublions pas, au passage, de rendre hommage à nos aînés. Souvent injustement caricaturés, ils ont livré , avec pugnacité une bataille acharnée contre les défenseurs de dogmes peu empressés de renoncer à régenter les consciences.

         Il demeure que, s’il est un devoir de protéger l’Etat des pouvoirs politiques religieux qui souhaiteraient avoir une emprise politique, il n’est pas acceptable de s’attaquer à la liberté individuelle de croire.

Sur ce point, l’athéisme politique imposé par les régimes communistes au cours du XXème siècle est aussi condamnable que l’état catholique de l’actuelle Pologne qui, au nom de la religion, interdit l’IVG.

En résumé, la laïcité garantit une égalité de traitement de tous les citoyens, en fondant l’action de l’Etat sur ce qui est commun à tous.

 

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La fin de la laïcité ?

C’est pourtant cela (L'action de l'état sur ce qui est commun à tous) qui est mis en péril aujourd’hui. Et ne nous trompons pas : même si les attaques récentes les plus visibles proviennent actuellement du président de la République (qui devrait être pourtant garant des principes Constitutionnels), on aurait tort de penser que les tous pourfendeurs de la laïcité sont « de droite », croyants et que tous les défenseurs sont « de gauche » et athées. La réalité est plus complexe : on trouve des défenseurs de la laïcité dans les milieux religieux (plus qu’on ne le croit) et chez les hommes politiques de droite. Et, inversement, des hommes de la gauche socialiste n’ont pas hésité à s’attaquer à ce pilier de la paix sociale.

On peut illustrer cela par un exemple : Jack Lang a favorisé le financement d’une partie de la construction de la cathédrale d’Evry par le Ministère de la Culture. On peut citer également bon nombre de lois remettant en cause la laïcité votées sous les gouvernements de gauche permettant, notamment, un financement par l’Etat des écoles privées sous contrat. Aujourd’hui, il faut savoir que le jeune et médiatique maire socialiste d’Evry Manuel Valls est un de ceux qui souhaitent que la construction des mosquées soit subventionnée en partie par l’Etat, sous le prétexte fallacieux de permettre aux musulmans de vivre leur religion dans des lieux de culte aussi décents que les catholiques en « sortant les mosquées des caves » comme le titrait l’Express.

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Evidemment, on ne peut contester le fait que les catholiques, avec leurs 60 000 églises, ont de très bonnes conditions d’exercice de leur religion. D’autant que, depuis la Révolution Française, les églises appartiennent à l’Etat. Ce sont donc les communes qui ont la charge des édifices religieux construits avant 1905 et qui permettent, par l’intermédiaire d’un usufruit partiel, l’exercice des offices.

Le fait d’avoir ce nombre considérable d’églises a une explication historique, liée à la forte alliance qu’il y a eue, pendant des siècles, entre l’Eglise catholique apostolique et romaine et le Royaume de France. Mais depuis la fin du XXème siècle et, surtout, depuis 1905, la donne a changé. En mettant « l’Eglise chez elle, et l’Etat chez lui » pour reprendre l’expression de Victor Hugo, l’un des pères de la  loi de 1905 (pourtant catholique pratiquant), la France a mis fin à ce lien. A partir de cette date, l’Etat ne finance normalement plus les églises, pas plus qu’elle ne peut financer les mosquées, les synagogues, les maisons de libre pensée, ou les temples maçonniques...

Il faut donc accepter cette spécificité historique : les édifices religieux d’avant 1905 sont des édifices publics mis à la disposition des religieux pour qu’ils puissent pratiquer leurs offices. La loi n’étant pas rétroactive, cela ne peut être le cas pour des édifices religieux construits depuis.

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Même si la remise en cause de la laïcité vient parfois de personnalités politiques dont on s’attendrait qu’elles défendent ce principe, il faut admettre que les attaques les plus virulentes proviennent du chef de l’Etat. Dans son discours du Latran, en décembre 2007, Nicolas Sarkozy, affirme, notamment, que « ceux qui ne croient pas doivent être protégés de toute forme d'intolérance et de prosélytisme. Mais un homme qui croit, c'est un homme qui espère. Et l'intérêt de la République, c'est qu'il y ait beaucoup d'hommes et de femmes qui espèrent ». Il rajoute : « Dans la transmission des valeurs et dans l'apprentissage de la différence entre le bien et le mal, l'instituteur ne pourra jamais remplacer le curé ou le pasteur ».

 Le philosophe Henri Pena-Ruiz, spécialiste des questions de laïcité, voit dans le discours de notre président 5 fautes (morale, politique, culturelle, historique et juridique). Comme il le souligne, « soutenir, en somme, que la religion mérite un privilège public car elle seule ouvrirait sur le sens profond de la vie humaine est une profession de foi discriminatoire ».

Que Nicolas Sarkozy soit catholique et pratiquant, c’est son droit et c’est éminemment respectable. Mais qu’il tienne ce genre de propos lorsqu’il est en situation de chef d’Etat, c’est inadmissible. Il ne lui appartient pas de hiérarchiser les options spirituelles. Si un professeur se permettait ce genre de propos, il serait à juste titre rappelé à l’ordre.

Insinuer que la République, contrairement à la religion, est muette sur les valeurs est inacceptable. Son souci de promouvoir la liberté, l’égalité et la fraternité ne passe certes pas par un catéchisme. Mais elle fait le pari de l’émancipation de la conscience pour développer ces valeurs. Miser sur l’autonomie des personnes en la fondant sur la maîtrise du savoir et s’interdire tout endoctrinement, tel est l’honneur de la République laïque et des enseignants qui la font vivre dans les écoles publiques.

Cette remise en cause n’est pas isolée : en 2006, le rapport Machelon proposait de vider la loi de 1905 en réinstallant le religieux dans l’espace politique en gommant les notions de « sphère privée » et « sphère publique ». De plus, ce rapport propose d’amoindrir la distinction faite entre « association cultuelle » et « association culturelle », la première ne pouvant ouvrir droit à des subventions publiques contrairement à la seconde. Ce changement permettrait à des associations liées à des mouvements religieux d’obtenir des subventions en leur donnant un caractère culturel. En faisant cela, on souhaite placer sous la coupe réglée d’une quelconque communauté ce qui relève de la responsabilité et de l’action publiques, en instituant, notamment, les prémices d’un communautarisme qui n’ose pas dire son nom.

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Les opposants de la laïcité insistent sur le fait que la France est isolée au niveau international sur cette question.

         Force est de reconnaître que le président de la République est loin d’être «  isolé » dans le paysage européen : on se souvient du lobbying effréné de l’Eglise Catholique et Romaine lors de la rédaction  de la Constitution pour nous imposer « les racines chrétiennes  de l’Europe »

         Il reste que nous ne sommes pas seuls, même si il faut reconnaître une spécificité française de ce principe politique. Quoi qu’il en soit, être isolé ne signifie pas qu’on a tort. Le principe des « droits de l’homme », à l’origine français, a bien eu une portée universaliste, comme le principe de la laïcité.

Certains souhaitent une « laïcité positive » ou une « laïcité ouverte ». On ne peut que se méfier de cela. Car qualifier la laïcité » d’ « ouverte » sous-entendrait qu’elle est « fermée » et la qualifier de « positive » sous-entendrait qu’elle est « négative ». Ce n’est évidemment pas le cas. La modifier, sous des prétextes d’apparence louable, serait l’occasion de toucher à cette loi en la vidant de sa substantifique moelle.

         Tous les laïcs aspirent à une « laïcité apaisée », dont les valeurs seraient unanimement reconnues et acceptées. Ce n’est malheureusement pas le cas.

         Pour les intégristes de tout poil, la loi divine prime sur la loi des hommes. Et, s’ ils divergent et s’affrontent, parfois avec violence, pour imposer leurs fois et leurs morales, ils savent aussi faire converger leurs efforts pour faire reculer le sécularisme.

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         Et dans la patrie des  Droits de l’Homme, on ne compte plus les atteintes aux principes laïcs :

-         Des femmes réduites à un statut subalterne,privées de leurs droits, soumises à leurs conjoints, interdites d’IVG, obligées ou « fortement incitées » à porter le voile. Le refus de la mixité dans des lieux publics.

-         La remise en cause du droit d’expression que constitue l’impossibilité de critiquer la religion islamique sans être accusé de blasphème.

-         La même impossibilité de critiquer la politique israélienne sans être taxé d’antisémitisme.

-         Pour faire bonne mesure, les « créationnistes », dont les théories simplistes ne résistent pas à une analyse scientifique basique. Ils infiltrent jusqu’au milieu scientifique et imposent leur obscurantisme chaque fois qu’ils le peuvent.

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Espérons...

Et...la liste n’est malheureusement pas exhaustive. Autant de raisons d’exercer une vigilance active. La laïcité ne saurait se réduire à un espace neutre, vidé de tout sens et susceptible d’accueillir toues les idées, même les plus destructrices au nom de la tolérance.

L’heure n’est définitivement pas au repos.

Cette citation d’ Henri Pena Ruiz extraite d’un article publié  dans le Figaro, sera notre conclusion. : « La laïcité, sans adjectif, ni positive ni négative, ne saurait être défigurée par des propos sans fondements. Elle ne se réduit pas à la liberté de croire ou de ne pas croire accordée avec une certaine condescendance aux «non-croyants». Elle implique la plénitude de l'égalité de traitement, par la République et son président, des athées et des croyants. Cette égalité, à l'évidence, est la condition d'une véritable fraternité, dans la référence au bien commun, qui est de tous. Monsieur le président, le résistant catholique Honoré d'Estienne d'Orves et l'humaniste athée Guy Môquet, celui qui croyait au ciel et celui qui n'y croyait pas, ne méritent-ils pas même considération ? »

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TULLE Mars 2009