L'Intime Fraternité, comme beaucoup d'autres loges,
a vu disparaître ses archives alors que le régime de Vichy dominait le pays.
Aussi, ce résumé de l'histoire de notre loge, extrait du travail réalisé par
nos frères en 1987, à l'occasion du bicentenaire, souffre t-il, sans doute
, de la perte irréparable que nous a infligée ce régime pervers, et de quelques
insuffisances...
En corrèze, il est fait mention de tenues se déroulant
à Brive en 1748. Elles inquiétèrent l'evêque
de Limoges qui n'ignorait pas le contenu de la bulle du pape Clément XII,
interdisant à ses fidèles de participer à des réunions maçonniques sous peine
d'excommunication.
Nous disposons également du tableau
de la loge en 1780. Elle comprenait 29 membres
plus 5 affiliés, ce qui prouve sa vitalité et son existence antérieure, sous
le nom de "StJean de l'Intime Fraternité".
En 1781,la loge organise
une fête gigantesque à l'occasion de ta naissance du Dauphin, premier enfant
de Louis XVI. Des agapes conviviales se déroulèrent à minuit, après un bal
populaire au cours duquel tonna le canon. Elles réunirent 150 convives sous
les illuminations. La preuve est ainsi apportée, s'il en était besoin, que
l'on a toujours aimé faire la fête à l'I.F....
1787 constitue l'année
charnière au cours de laquelle les constitutions sont accordées. Le
29 Mai, le Vénérable de la loge, le Baron d'Escorbal capitaine d'artillerie
à la manufacture d'armes, demande l'autorisation pour l'Intime Fraternité
de procéder elle même à son installation. Il recevra cette autorisation
le 4 Juin de cette même année. Il prétexte, dans une planche
envoyée au G.O., que Tulle est à 20 lieues de la loge la plus proche. Ces
propos ne manquent pas de heurter les frères de "L'Heureuse Alliance"
d'Uzerche, qui disent n'avoir pas été consultés et rectifient l'appréciation
de la distance, laquelle, selon eux, ne dépasse pas 4 lieues !
Néanmoins, le 9 Juillet 1787,
la loge procède à son installation,
mais compte tenu de diverses contestations, l'installation définitive n'est
enregistrée que le 13 Août 1788.
L'I.F. ne perd pas de temps et dés le 30 Octobre
de la même année, elle installe une seconde loge à Tulle, "Les Coeurs
Unis", loge qui disparaîtra, semble t-il rapidement.
Avec la Révolution, on entend moins parler de la Maçonnerie,
même si l'on compte un grand nombre de frères parmi les membres des Etats
Généraux.
Ce n'est qu'au titre de l'année 1802
que l'on retrouve trace d'un tableau des membres de la loge, Ils étaient 91,
ce qui laisse supposer une vitalité assez remarquable
En 1805, l'Intime Fraternité
reprend ses rapports avec le Grand Orient de France.
Si les Francs Maçons se considéraient comme
fils de la Révolution, ils n'en eurent pas moins de bons rapports avec l'Empire.
Ainsi, apprend t-on que les Maçons Tullistes fétèrent dignement, le
23 Août 1807, l'anniversaire de la naissance de Sa Majesté.
A partir de 1813. nous
perdons toute trace de ce qui se passe (ou ne se passe pas) à l'Intime Fraternité
(dont ies membres, comme partout ailleurs, avaient souffert après la chute
de Napoléon), jusqu'en 1830 où Hyacinthe d'Ussel,à
83 ans, relance la loge.
En 1833, le tableau
de loge fait apparaître 77 noms ainsi que 28 noms de Polonais exilés suite
aux événements liés au partage de la Pologne après le congrès de Vienne, en
1815.
Hélas, sous Louis XVIII et Charles X, les ateliers
maçonniques font l'objet de tracasseries et une loi du
25 Mars 1834 soumet toute association à l'autorisation préalable de
la puissance publique. Aussi, à partir de 1835, notre atelier entre t-il dans
une période de silence, source d'interrogations, pour presque un demi-siècle...
La victoire de Gambetta aux élections d'Octobre
1877 met un terme à l'ordre moral institué par Mac Mahon et redonne
force et vigueur aux frères de Tulle qui demandent la réouverture de leur
loge. Le 8 Septembre 1878, les feux sont solennellement
rallumés. Au cours des années suivantes, quelques dissensions internes troublent,
à plusieurs reprises, la sérénité de la loge. Peut être est ce pour cette
raison que l'on note, en 1885, un manque d'assiduité
des frères de l'atelier dont les colonnes sont maigrement garnies. Il est
difficile, en effet, de réunir le nombre nécessaire de frères pour remplir
les offices d'une tenue !
La loge se lance donc, à cette époque, dans une politique
de fort recrutement et se mobilise, dans le cadre des lois scolaires initiées
par Jules Ferry. C'est ainsi que l'on retrouve un très grand nombre de Francs
Maçons. dans la " Société de Patronage des écoles laïques ",
association créée à Tulle en 1888, dont le noble but consistait à encourager
et faciliter la fréquentation scolaire. Durant cette période, l'initiation
d'un instituteur est un événement dans la loge pour les idées qu'il peut faire
germer et grandir dans les jeunes coeurs.
En 1892,
les frères de l'I.F. se mobilisent pour aider les 500 ouvriers licenciés de
la Manufacture d'Armes. Jean
Tavé, vénérable de la loge, élu maire de Tulle avec un bon nombre d'autres
frères au sein du conseil municipal, préconise la création d'une école professionnelle
orientée vers le travail du bois, du fer et de l'acier. En avance sur son
temps, il imaginait la formation professionnelle comme moyen de lutte contre
le chômage.
C'est à cette époque que se déroula l'affaire de la
procession de la Lunade qui vit s'opposer, de façon assez inimaginable aujourd'hui,
les cléricaux et les anti dont faisaient partie beaucoup de frères. Ceux ci
recueillirent les fruits de leur ténacité anticléricale lorsque fut votée,
en 1905, la loi de séparation de l'Eglise et
de l'Etat.
En Janvier 1914, notre
atelier comptait 102 membres, mais il allait connaître, comme beaucoup d'autres,
un demi sommeil pendant la grande guerre (2 initiations seulement de 1914
à 1918).
Jean Tavé, qui n'avait pas été reconduit dans ses
fonctions de Vénérable en 1923, meurt en 1925.
Une page importante vient de se tourner...
Au cours de cette période d'entre 2 guerres, l'Intime
Fraternité. ne cesse de lutter pour la paix et contre le fascisme naissant.
Elle adresse au Grand Orient., le 6 Mai 1933,
un vœu en faveur de la paix et de l'objection de conscience. Ce voeu ne sera
pas exaucé puisqu'on 1939 arrive un nouveau conflit
et avec lui un gouvernement qui déclarera nulles les obédiences maçonniques
et liquidera leurs biens. A cet égard, le préfet Musso fait preuve, en Corrèze,
de beaucoup de zèle et le domicile de nombre de nos frères fait l'objet de
perquisitions le 11 Septembre 1941. Leurs noms
sont publiés au J.O... L'immeuble, acquis en 1906 et où nous nous trouvons
aujourd'hui, est mis à la disposition de la ville de Tulle qui y installe
une école d'escrime dans l'actuelle salle à manger. La main levée de
cette spoliation n'interviendra qu'en 1972. Les
quelques biens mobiliers remis aux Domaines ne nous ont jamais été rendus.
La perte fut bien plus conséquente pour les archives dont on n'a pas retrouvé
trace. La bibliothèque, forte de 600 ouvrages, dont certains très anciens,
fut cédée aux Archives de la Correze.
Fort heureusement, les enquêtes diligentées à l'encontre
des Francs Maçons furent menées avec bien peu d'acharnement et de zèle
par la plupart des fonctionnaires qui en étaient chargés. Néanmoins, quelques
frères perdirent ainsi leur emploi. Parmi eux, je me bornerai à citer le nom
de Martial Brigouleix,
chef de la résistance en Corrèze, qui fut ensuite arrêté par les Allemands
et exécuté au fort de Romainville, le 2 Octobre 1943.
Cet événement va précipiter beaucoup de nos frères
dans la résistance...
A la libération, 19 frères sont disposés à rallumer
les feux. L'Intime Fraternité est officiellement réinstallée le 6
Mai 1945. Une de ses premières actions consiste à œuvrer pour l'édification
du monument à la mémoire de Martial Brigouleix.
Hélas, les effectifs diminuent au point que la loge
doit être mise en sommeil en 1954. Les frères
rejoignent alors la respectable loge "La Fraternité" à l'Orient
de Brive, tout en conservant l'implacable volonté de redonner force et vigueur
à l'Intime Fraternité. Pour ce faire, ils décident, d'une part d'intensifier
le recrutement et, d'autre part, de rénover eux-mêmes le vieil immeuble, récupéré
dés la fin de la guerre. Comme vous pouvez le constater aujourd'hui, cette
détermination a permis de mener à bien ces 2 objectifs, au delà peut être
de toute espérance...
Lors de la tenue du 20 Décembre
1974, l'atelier vote à une très large majorité en faveur d'un essaimage.
Le 25 Octobre 1975, le Grand Orient de France
accorde une patente
à l'Intime Fraternité et désigne 3 Illustres Frères pour procéder à
son installation. Celle ci aura lieu, dans la joie, le 7 Décembre de la même
année, alors que la loge est forte de 30 maîtres et de 12 compagnons et apprentis.
Après un sommeil de 20 ans, l'Intime Fraternité
reprenait un nouveau souffle et s'apprêtait à reprendre l'écriture des longues
et belles pages de son histoire...