CONTRE TOUS LES CLERICAUX

 

« Le blasphème des grands esprits est plus agréable à Dieu que la prière intéressée de l'homme vulgaire » (Ernest Renan).

priere

 

         On la croyait morte la bête immonde, elle n'était qu'endormie sous l'édredon douillet de l'indifférence et de l'oubli.

         Il faut recommencer, contre elle, cette lutte qui ne finira sans doute jamais. Hommes et femmes de liberté, il est fini l'instant où il était interdit d'interdire.

         Voici le fanatisme, l'intolérance et la haine. Voici venu le temps des tabous, des doctrines contraignantes, des canons étouffants, des dogmes écrasants.

         Défense d'afficher son incroyance, de publier son athéisme, de nier l'existence de Dieu ou, seulement, de dire que nous en doutons.

         Au nom du respect de la foi des autres, on nous demande de cacher notre impiété.

         Taisez-vous les agnostiques. Silence, vous qui osez dire, même timidement, que vous ne savez pas, que vous ne saurez jamais. En avouant votre scepticisme, il paraît que vous offensez les fidèles qui clament leur certitude.

         Dissimulez votre incrédulité car elle choque les dévots qui étalent leurs convictions.

         Bien plus, le blasphème n'est pas seulement condamnable chez les croyants mais il est aussi déclaré criminel lorsqu'il est le fait de mécréants.

         Amis chrétiens, musulmans, juifs, hindouistes, animistes, fétichistes et autres adorateurs d'idoles, de statues, de colifichets, de reliques, de gris-gris, vous n'en êtes pas moins mes frères et mes sœurs. A ce titre, je respecte vos croyances, vos superstitions, vos préjugés, même si j'en suis navré, même si j'ai de la compassion pour vous lorsque vous vous prosternez au pied d'effigies de plâtre ou lorsque vous baisez l'anneau d'un porteur de mitre. Oui, même si je suis affligé en vous regardant défiler en processions derrière des éteignoirs, psalmodiant pour faire tomber la pluie ou pour l'arrêter, à l'instar des peuplades primitives dont beaucoup d'entre vous se gaussent.

         Oui, soyez libres de vous humilier, de prier, d'avaler des hosties et les paroles paraboliques des homélies-mélo, de boire le calice jusqu'à la lie de l'obscurantisme, de chanter des cantiques à la gloire de divinités toujours aux abonnés absents et d'aduler le pape vivant d'une Eglise moribonde.

         Oui, vous pouvez revendiquer le droit de vivre une religion. Généreusement, je vous l'accorde car je suis un homme libre et qu'aucun dogme ne me commande vous haïr, qu'aucun commandement ne m'empêche de vous  aimer.

         Mais n'exigez pas de moi, en plus, que je suive vos préceptes, que je me soumette à votre loi, que je me plie à la volonté de vos prêtres.

         Vous réclamez le droit à la religion ? J'exige celui de l'irréligion.

         Vous voulez l'instruction et la propagande religieuses à l'école publique ? D'accord, mais je veux, au même endroit, avec les mêmes moyens, l'instruction irréligieuse  et la propagande antireligieuse. Et que le meilleur gagne !

 

ecole publique

         Hélas, vous brûlez les livres que vous n'avez pas lus. Vous exigez la destruction de films que vous n'avez pas vus.

         Ainsi, vous faites la preuve que vous ne réagissez pas contre une offense qui vous serait faite  mais que vous demandez, en réalité, le droit à la censure sur toutes les formes d'expression et, ce qui est plus grave encore, le pouvoir de régenter la pensée universelle.

         Le cléricalisme, voilà aujourd'hui, comme hier, l'ennemi des hommes et des femmes libres.

         Les cléricaux de tous les pays, de toutes les religions , qui par ailleurs font s'entre-tuer, ici ou là, avec une incroyable férocité, de pauvres bougres fanatisés, se rassemblent soudain et s'unissent pour nous enchaîner afin d'éteindre les lumières.

         Tous s'attaquent à notre liberté de conscience, à notre liberté d'esprit. Nous devons leur répondre et les combattre.

         Ils ne réussiront pas dans leur entreprise. Nous ne leur laisserons pas ouvrir le cerveau de l'Humanité car ils y feraient des ratures.

Laïcité

 

                                                                  De Jean DELPY

Publié dans « La Corrèze Républicaine », son journal, au début  des années 1990.