Les réformes qui ont défini les nouvelles modalités d’organisation sociale sont largement inspirées par le programme du Conseil National de la Résistance dont il convient de rappeler la modernité.
Sur le plan économique ce programme vise à assurer un développement économique cohérent et ambitieux permettant à la France de garantir son indépendance et de tenir son rôle de grande nation. Il souhaite établir une citoyenneté dans le travail par l’instauration d’une véritable démocratie économique et sociale, impliquant l’éviction des grandes féodalités économiques et financières de la direction de l’économie. Une organisation rationnelle de l’économie doit assurer la subordination des intérêts particuliers à l’intérêt général. Le retour à la nation des grands moyens de production monopolisés est nécessaire ( sources d’énergie-richesses du sous sol – compagnie d’assurance et grandes banques ) Ainsi des mesures importantes sont prises : nationalisation des houillères (déc 1944), des usines Renault (janv 1945 ) ; nationalisation du crédit ( banque de France , Crédit Lyonnais, Société Générale, Comptoir National d’Escompte, La BNCI ) ; nationalisation du gaz et de l’électricité (mars –avril 1946) ; nationalisation des principales compagnie d’assurances (avril 1946 ).
L’intensification de la production nationale passe par une planification économique ( création du commissariat au plan en déc. 1945 )
Le droit d’accès, dans le cadre de l’entreprise, aux fonctions de direction et d’administration, pour les ouvriers possédant les qualifications nécessaires, et la participation des travailleurs à la direction de l’économie doit être développé.
Sur le plan social le programme du CNR est ambitieux puisqu’il prévoit des droits nouveaux pour les salariés. Un plan complet de sécurité sociale, visant à assurer à tous les citoyens des moyens d’existence, dans tous les cas où ils sont incapables de se le procurer par le travail, avec gestion appartenant aux représentants des intéressés et de l’Etat est envisagé ( la Sécurité Sociale est créée en oct 1945 ). La reconstitution, dans ses libertés traditionnelles, d’un syndicalisme indépendant, doté de larges pouvoirs dans l’organisation de la vie économique et sociale est souhaité ainsi que la sécurité de l’emploi, la réglementation des conditions d’embauchage et de licenciement et le rétablissement des délégués d’atelier. (les comités d’entreprise seront institués en oct. 1945 ). Les salaires doivent être réajustés, le niveau de vie garanti afin d’assurer à chaque travailleur et à sa famille la sécurité, la dignité et la possibilité d’une vie pleinement humaine.
Ce programme prévoyait la possibilité effective pour tous les enfants français de bénéficier de l’instruction et d’accéder à la culture la plus développée, quelle que soit la situation de fortune de leurs parents, afin que les fonctions les plus hautes soient réellement accessibles à tous ceux qui auront les capacités requises pour les exercer et que soit ainsi promue une élite véritable, non de naissance mais de mérite, et constamment renouvelée par les apports populaires.
Sur le plan institutionnel, le référendum du 21 octobre 1945 (les femmes votent pour la 1ère fois ) va décider du rejet de la 3éme République et accepter que l’Assemblée élue ce même jour soit constituante.
L’ensemble de ces mesures ( et de celles qui suivront ) va déterminer le nouveau cadre institutionnel-économique-social qui est surdéterminant dans la fondation du contrat social qui va se mettre en place à cette époque en établissant un compromis entre le monde du travail et les forces économiques.
L’Etat français s’est donné les moyens d’intervention, de régulation, de contrôle, d’orientation dans les différents champs qui structurent et organisent l’activité humaine et les rapports sociaux. Ce nouveau cadre va perdurer trois décennies même si sur le plan idéologique certains en dénoncent le carcan.
L’intégration de la France dans l’Union Européenne et dans l’OMC : les transformations économiques des années 80 ( et notamment de l’appareil productif) auront partiellement raison de ce cadre. Les gouvernements successifs ( au regard de la mondialisation économique) vont abandonner ou édulcorer les principaux dispositifs (institutionnels-économiques…) dont la France s’était dotée pour contrecarrer les effets néfastes du capitalisme et pour satisfaire à la grande ambition portée par le programme du CNR.
La dérégulation est la règle de l’Europe libérale en ce début de siècle. Une Europe progressiste avec un projet politique aurait dû relayer les Etats nations dans la défense et l’amélioration du contrat social en instituant les mécanismes et règlements nécessaires à l’harmonisation des politiques sociales .