Le contrat social

Tel qu’on l’entend aujourd’hui il ne représente qu’un des aspects de l’expression dont la définition s’avère complexe. Mais il est majeur au regard du thème étudié et repose sur une ou des conventions plus ou moins tacite(s) entre les gouvernants et le corps social, les premiers étant en charge de mettre en œuvre les programmes électoraux dont les seconds attendent la réalisation, y compris la pérennisation des acquis ou leur remise en cause. Le corpus social n’est pas homogène et ce qui est ou paraît bon pour les uns n’est pas forcément bon pour les autres.

Cela étant, d’une manière un peu simpliste, il me semble que le contrat social évolue dans le même sens que la politique économique.

De la révolution française au milieu du XIXème siècle, on assiste au développement d’une société libérale et individualiste qui met en pratique les principes de la déclaration des droits de l’Homme puis du code civil. La politique sociale qui en découle se traduit par la non intervention de l’Etat et le recours aux mécanismes naturels pour corriger les excès (loi de l’offre et de la demande, le chômage ne peut être que passager et le déséquilibre se corrige de lui même par une baisse des salaires, la petite propriété et la liberté des contrats sont les facteurs essentiels du progrès social) ainsi qu’aux solidarités naturelles (famille, profession - effort personnel de prévoyance – caisses d’épargne - encouragement à une vie plus morale – critique de l’alcoolisme ouvrier - malthusianisme/ à la natalité).

Il faut attendre la révolution industrielle et ses conséquences sociales (aggravation des conditions de travail, augmentation du nombre des accidents, crise de chômage après exode rural, etc.) pour qu’apparaisse une conscience de classe et une conscience doctrinale (idéologie ouvrière, socialisme, catholicisme social, courants littéraires). L’Etat commence alors à reconnaître tous ces excès et abus dans une politique de rapports collectifs qui verra la légalisation de la grève, du droit syndical, la création de l’inspection du travail et de l’arbitrage des conflits collectifs, puis la reconnaissance de la responsabilité des entreprises dans les accidents du travail, et dans la 1ère partie du XXème siècle, la loi sur les retraites ouvrières et agricoles, les allocations familiales  les assurances sociales obligatoires etc. L’interventionnisme de l’Etat succède au Libéralisme. Il crée des mesures d’aide sociale (ateliers nationaux contre le chômage), assistance médicale gratuite, protection sociale (travail des enfants, durée du travail, repos hebdomadaires, salaire minimum des ouvriers à domicile). Et je passe volontairement sous silence tous les aspects de la politique sociale qui a été développée, pour rester large, jusqu’à la fin du 2ème septennat Mitterand.

Avec la crise de l’énergie, l’apparition des effets de la mondialisation sur l’emploi et le niveau de vie et les incidences sur les budgets des pays développés, l’apparition d’un chômage volumineux et durable a pesé sur les rapports sociaux dans un sens favorable au « capitalisme » et à la remise au goût du jour, comme modernes, des vielles théories libérales rappelées ci avant. Avec les mêmes effets sur l’idéologie ambiante, les tendances de nos gouvernants, les plaintes et le poids des entreprises. Les conditions économiques et sociales ne sont bien sûr pas celles du XVIIIème et de la 1ère partie du XIXème mais la tendance est l’individualisme, à la non intervention et à l’abandon des solidarités autres que naturelles et aux systèmes de protection individuels (assurance retraite, santé chômage, etc).

La question qui se pose désormais est de savoir jusqu’où ça va aller et jusqu’à quand ? Difficile de répondre dans un pays où les valeurs citoyennes disparaissent de la culture, de l’éducation, des esprits et des comportements. Viendra sans doute un point de rupture constitué par le stade de l’intolérance pour le plus grand nombre. Le politique reprenant son rôle de législateur social et de garant de l’équilibre suffira–t-il à endiguer ce qu’il faudra bien appeler une révolte contre les injustices et qui pourrait exploser dans la rue ? A moins que les mouvements alter mondialistes dopés et soutenus par les régimes socialistes qui se mettent en place en Amérique latine et qui pourraient encore s’étendre à d’autres pays parviennent à décrédibiliser définitivement la construction d’une Europe capitaliste et financière dont le rejet de la constitution qui leur a été proposée par une majorité de Français peut apparaître comme un espoir et le ferment d’un sursaut général.